Par un arrêt Steria du 2 septembre 20151, la Cour de Justice a été saisie d’une question relative au système d’imposition français des dividendes de ses filiales touchées par la société mère.
Selon le droit français, les dividendes touchés par une société mère au titre des participations qu’elle détient dans d’autres sociétés peuvent être retranchés de son bénéfice net total et sont ainsi exonérés de l’impôt, sous réserve d’une quote-part de 5% correspondant aux frais et charges qui se rapportent aux participations. Toutefois, lorsque les dividendes proviennent de sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré, la quote-part de frais et charges peut être déduite du bénéfice, si bien qu’au final, les dividendes ne sont soumis à aucun impôt2.
Seules les sociétés établies en France peuvent appartenir à un groupe fiscal intégré. Les filiales qui sont établies dans d’autres Etats membres ne peuvent donc pas bénéficier de la déduction fiscale de la quote-part. Les dividendes versés par ces filiales restent donc soumis à la quote-part de 5%.
La société Steria, détenant des participations dans des filiales établies dans d’autres Etats membres, estime que la règlementation française est contraire à la liberté d’établissement en ce qu’elle désavantage les filiales établies à l’étranger, qui ne peuvent pas bénéficier de la déduction de la quote-part alors que si ces filiales avaient été établies en France, elles auraient bénéficié de cette déduction.
Dans cet arrêt du 2 septembre 2015, la Cour considère que la réglementation française en cause désavantage les sociétés mères qui détiennent des filiales établies dans d’autres États membres, ce qui est de nature à rendre moins attrayant l’exercice par ces sociétés de leur liberté d’établissement, en les dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres.
Cette règlementation constitue donc une entrave à la liberté d’établissement.
Une différence de traitement pourrait néanmoins être justifiée lorsqu’elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou pour une raison impérieuse d’intérêt général.
Pour la Cour, la situation d’une filiale appartenant à un groupe fiscal intégré et celle d’une filiale n’appartenant pas à un tel groupe est objectivement comparable dans la mesure où, dans les deux cas, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale.
La Cour a en outre examiné deux potentielles raisons impérieuses d’intérêt général : la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les Etats membres et la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal.
Elle écarte la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les Etats membres au motif que la différence de traitement ne porte que sur des dividendes entrants, perçus par des sociétés mères résidentes, de sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre est concernée.
Elle écarte également la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal du fait que la réglementation française en cause ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère du groupe fiscal intégré, qui compenserait l’avantage fiscal (exonération totale de l’impôt sur les dividendes) qui lui est octroyé.
La Cour juge que la différence de traitement introduite par la réglementation française n’est pas compatible avec la liberté d’établissement.
Cette disposition devra donc être modifiée, soit en étendant l’exonération de la quote-part aux filiales n’appartenant pas à un groupe fiscal intégré, soit en supprimant tout simplement l’exonération de la quote-part pour les dividendes versés par toutes les filiales.