Annulation des décisions de la Commission relatives aux demandes de renseignements adressées aux cimentiers

Dans quatre arrêts du 10 mars 2016, la Cour de justice a annulé les décisions de la Commission relatives aux demandes de renseignements adressées aux cimentiers au motif que ces décisions n’étaient pas suffisamment motivées 1.

En décembre 2010, la Commission avait ouvert une enquête à l’encontre de plusieurs entreprises du secteur de la cimenterie.
Ces infractions consistaient, selon la Commission, en « des restrictions des flux commerciaux, y compris des restrictions d’importations en provenance d’Etats extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ».

Par décisions du 30 mars 2011, la Commission a demandé aux entreprises concernées de répondre à un questionnaire portant sur les soupçons d’infraction.

Plusieurs sociétés ont alors formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, au motif que la Commission n’aurait pas suffisamment motivé et expliqué les infractions présumées et de leur avoir imposé une charge de travail disproportionnée par rapport au volume des renseignements demandés et au format de réponse particulièrement contraignant qui leur avait été imposé.
Le Tribunal, par un arrêt du 14 mars 2014, a confirmé la validité des demandes de renseignement formulées par la Commission.

Dans ces arrêts du 10 mars 2016, la Cour a constaté que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les décisions de la Commission étaient suffisamment motivées.

Selon le droit de l’Union, la motivation des actes des institutions doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce et au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte et de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

S’agissant, en particulier, de la motivation d’une décision de demande de renseignements, la Commission doit notamment indiquer la base juridique et le but de la demande. Elle doit également préciser les renseignements demandés et fixer le délai dans lequel ils doivent être fournis. Cette obligation de motivation spécifique constitue une exigence fondamentale en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de la demande de renseignements, mais aussi de mettre les entreprises concernées en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense.

En l’espèce, la Cour a constaté que les décisions de la Commission ne faisaient pas apparaître, de manière claire et non équivoque, les soupçons d’infraction qui justifiaient leur adoption et ne permettaient pas de déterminer si les renseignements étaient nécessaires aux fins de l’enquête. En effet, la motivation était excessivement succincte, vague et générique, eu égard en particulier à l’ampleur considérable des questions posées.

La Cour a relevé qu’une demande de renseignements constitue, à l’instar d’une décision d’inspection, une mesure d’enquête qui est généralement utilisée dans la phase d’instruction de l’affaire. La Cour a déjà considéré, s’agissant de décisions d’inspection, qu’il n’était pas indispensable de délimiter avec précision le marché en cause, de fournir une qualification juridique exacte des infractions présumées ou d’indiquer la période au cours de laquelle ces infractions auraient été commises, dès lors que les inspections interviennent au début de l’enquête, à une période au cours de laquelle la Commission ne dispose pas encore d’informations précises.

Une motivation excessivement succincte, vague et générique ne peut néanmoins pas justifier des demandes de renseignements intervenues, comme dans les présentes affaires, plusieurs mois après l’ouverture de la procédure et plus de deux ans après les premières inspections alors que la Commission avait déjà adressé plusieurs demandes de renseignements aux entreprises soupçonnées d’avoir participé à l’infraction concernée. La Cour constate que les décisions ont été adoptées à une date où la Commission disposait déjà d’informations qui lui auraient permis d’exposer avec davantage de précision les soupçons d’infraction qui pesaient sur les entreprises en cause.

Par conséquent, la Cour a conclu que les décisions de la Commission n’étaient pas suffisamment motivées à suffisance de droit.

  1. Cour de justice, 10 mars 2016, C-247/14 P HeidelbergCement/Commission, C-248/14 P Schwenk Zement/Commission, C-267/14 P Buzzi Unicem/Commission et C-268/14 P Italmobiliare/Commission
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