La Cour rejette un pourvoi formé par des sociétés du groupe Repsol

Par un arrêt du 9 juin 20161, la Cour de justice a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 septembre 2013 par trois sociétés, Repsol Lubricantes y Especialidades SA (ci-après « Repsol Lubricantes »), Repsol Petróleo SA et Repsol SA 2.

Le Tribunal avait lui-même rejeté un recours formé contre une décision de la Commission en date du 3 octobre 2007 dans laquelle celle-ci avait prononcé une sanction d’un montant de 80 496 000 euros contre les trois sociétés qui doivent s’acquitter solidairement de l’amende pour avoir participé à un ensemble d’accords de répartition du marché et de coordination des prix du bitume de pénétration routier en Espagne 3.

Les trois sociétés contestaient l’arrêt du Tribunal en se fondant notamment sur une erreur d’appréciation de l’absence d’autonomie de la société fille (I), sur une erreur de droit en refusant une immunité partielle de sanction (II) et sur une violation du principe de proportionnalité de la sanction (III).

I) L’erreur alléguée d’appréciation de l’absence d’autonomie de la société fille

Les requérantes soutiennent que, malgré un contrôle capitalistique à hauteur de 100%, elles ont rapporté la preuve de l’absence de contrôle effectif des sociétés mères (Repsol Peotroleo SA et Repsol SA) sur leur filiale (Repsol Lubricantes).
En effet, le contrôle à 100% du capital d’une filiale par la société mère crée une présomption de contrôle de cette dernière sur la première et ainsi rend responsable la société mère pour les pratiques anticoncurrentielles de la filiale. Cette présomption est une présomption simple, qui peut être renversée par les requérantes.
Les requérantes soutiennent en outre que le Tribunal a opéré une appréciation « excessivement individualisée » des éléments de preuve apportés, sans effectuer d’appréciation d’ensemble.

La Cour a rejeté ce moyen, se refusant à apprécier des éléments de faits, qui ressortent de l’analyse souveraine du Tribunal.
La Cour a toutefois précisé que l’analyse détaillée de chacun des éléments de preuve par le Tribunal n’avait pas pour conséquence une absence d’appréciation d’ensemble de ces éléments.
De plus, la Cour a rejeté toute violation par le Tribunal de son obligation de motivation en ce qu’il a estimé que les requérantes ne démontraient pas l’autonomie de comportement de la filiale.

II ) La prétendue erreur dans le refus de l’immunité partielle de sanction

Les requérantes ont ensuite soutenu que le Tribunal a effectué une appréciation erronée du rejet de la demande d’immunité partielle de sanction par la Commission. Le Tribunal aurait retenu « que c’était à tort qu’elles prétendaient que c’était Repsol qui avait produit, dans sa déclaration au titre de cette communication, les informations ayant permis à la Commission d’avoir connaissance du fait que l’entente s’était poursuivie pendant la période correspondant aux années 1998 à 2002 » (point 53 de l’arrêt de la Cour).
Les informations en question étaient selon les requérantes ignorées par la Commission et ont permis de déterminer la durée de l’infraction.
Le Tribunal aurait ainsi mal interprété le point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002.

La Cour a rappelé que « les termes « faits […] ignorés de la Commission » sont dénués d’ambiguïté et autorisent à retenir une interprétation restrictive du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, en le limitant aux cas où une société partie à une entente fournit une information nouvelle à la Commission, relative à la gravité ou à la durée de l’infraction, comme elle l’a déjà jugé 4.
Or, le Tribunal a souverainement retenu que la Commission disposait déjà, antérieurement à la communication faite par les requérantes au titre de la communication de 2002, des éléments de preuve suffisant pour établir la pratique sur la période de 1998 à 2002 obtenus au cours des vérifications effectuées les 1er et 2 octobre 2002.

La Cour a jugé que le Tribunal était par conséquent fondé à ne pas prendre en considération les éléments de preuve des requérantes pour revenir sur le refus de la Commission d’accorder une immunité partielle de sanction pour les pratiques sur la période concernée.

III) La violation du principe de proportionnalité

Les requérantes soutenaient enfin que le Tribunal a violé l’article 261 TFUE et le principe de proportionnalité en n’effectuant pas un « contrôle autonome et exhaustif » de la décision de la Commission en ce qui concerne le montant de base de la sanction.
Les lignes directrices de 1998 sur la fixation du montant des amendes impose selon les requérantes une limite à titre indicatif de 20 000 000 euros pour les infractions qualifiées de « très graves ». Or la Commission a fixé en l’espèce une amende d’un montant de 40 000 000 euros, soit le double du montant qu’aurait dû fixer la Commission au regard des éléments de faits de l’infraction.

La Cour n’opère un contrôle du montant de la sanction que dans la mesure où celui serait disproportionné, et constituerait par conséquent une erreur de droit (4. Cour de justice, 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P).
La Cour a relevé que les lignes directrices de 1998 prévoyaient à leur point 1, A, que « le montant de base de l’amende envisageable en cas d’infractions très graves est situé au-delà de 20 millions d’euros ».
Le montant de 20 000 000 d’euros est ainsi un montant de base, à partir duquel la Commission fixe le montant de l’amende. La Commission était ainsi fondée à fixer un montant supérieur à la limite invoquée par les requérantes.

La Cour rejette ainsi ce dernier moyen et finalement rejette le pourvoi.
Les sociétés Repsol Lubricantes, Repsol Petróleo SA et Repsol SA voient ainsi leur condamnation solidaire au paiement d’une amende d’un montant de 80 496 000 euros.

  1. Cour de justice, 9 juin 2016, C‑617/13 P, Repsol c. Commission
  2. Tribunal, 16 septembre 2013, T‑496/07, Repsol c. Commission
  3. Commission, 3 octobre 2007, COMP/38.710, aff. Bitume
  4. Cour de justice, 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, point 79
Ce contenu a été publié dans Droit de la concurrence / Competition Law. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>